8 avril 2024
Voie réservée au covoiturage à Lyon
T. Fournier - Métropole de Lyon
Le 19 mars 2024, le Cerema a organisé, pour la première fois, une journée nationale d’échanges, entre tous les gestionnaires de voies réservées au covoiturage. Cette rencontre constitue une opportunité précieuse pour partager les bonnes pratiques, échanger les retours d'expérience et envisager de nouvelles pistes d'actions pour relever les défis de la mobilité au XXIe siècle…

Cette journée de portée nationale, organisée à Bron, a permis un partage d'expériences entre des collectivités adhérentes du Cerema, des concessionnaires autoroutiers, ses experts et les services de la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). Le programme était articulé autour de trois thématiques principales :

  • la conception des voies réservées au covoiturage, 
  • l’usage de ces voies 
  • leur place dans les politiques de covoiturage et de mobilité.

 

Le programme de la journée :

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Retours d'expériences sur des VR2+

Voies de covoiturage à Annecy : Julia Philippe, CD 74

Ces voies sont situées sur trois routes départementales. Le passage à 2x2 voies de la voirie a constitué une opportunité pour étudier puis créer des voies réservées au covoiturage même si initialement le projet ne prévoyait pas de VR2+. Ces axes ont un Trafic Moyen Journalier Annuel de l’ordre de 30 à 40 000 véhicules. La congestion est de plus en plus importante en rejoignant l’agglomération d’Annecy.

Le gain de temps de parcours moyen pour les covoitureurs est de 3 min 30 sur l’itinéraire RD 1508 - 3508 nord et un gain maximal de 7 min sur ce même itinéraire. Ce gain de temps qui peut paraître modeste, s’explique par un faible linéaire de voie réservée mais la voie de covoiturage permet un franchissement beaucoup plus efficace des points durs, une amélioration de la régularité des temps de déplacements et ne détériore pas les conditions de circulation pour les autres usagers.

La présentation :

Voies de covoiturage à Strasbourg :  Anna Trentini, Eurométropole Strasbourg

Les deux voies de covoiturage se situent sur les voies métropolitaines M35 à 3 voies, et ont été mises en service en décembre 2021 en même temps que l’interdiction des poids lourd en transit et la réduction de la vitesse de circulation maximale autorisée. Elles ont été créées sur l’ancienne voie de gauche, et sont activées sur des périodes prédéfinies : du lundi au vendredi en heures de pointe matin et soir. Les voies réservées sont limitées en vitesse à 70 km/h aux horaires d’activation, et 90 km/h en dehors. 

La signalisation est fixe, ce qui entraîne l’usage de panonceaux. 

Une enquête en ligne a été diffusée (qui a obtenu 6 500 réponses) en octobre 2022, et 40 % des répondants ont indiqué une difficulté de compréhension de la signalisation actuelle. Les usagers disent ne ressentir pas de bénéfices à l’utilisation de la VR2+.

Environ 70 % des véhicules circulant sur la VR2+ sont en infraction : fin 2023, deux radars de covoiturage ont été installés pour faire du contrôle pédagogique. Puis à partir de 2024, L’Eurométropole de Strasbourg va participer aux expérimentations lancées par l’Etat (DGITM) pour tester le contrôle des voies réservées VR2+ (par identification des autosolistes) par caméra infra-rouge (période 2023 2025).

Face à un covoiturage peu répandu, L’Eurométropole de Strasbourg va mettre en place un bouquet de mobilités pour encourager son développement avec :

  • Une plateforme de covoiturage désormais active pour mettre en relation les utilisateurs du service au quotidien (conducteurs et passagers) ;
  • Une incitation financière pour accompagner le développement de cette pratique ;
  • Une simplification de l’activation des voies réservées sur M35 (activation continue de 6h à 19h quel que soit le jour) ;
  • La création de lignes de covoiturage à l’étude en lien avec les autres AOM.

La présentation :

Voie de covoiturage sur A48 à l’entrée de Grenoble :  François Jeanjean,  AREA/APRR 

Voie réservée au covoiturage - APRR

La voie de covoiturage a été mise en service en septembre 2020 à l’entrée de Grenoble sur la voie de gauche de l’autoroute A48. La VR2+ est activée lors des congestions avec une vitesse limitée à 50 km/h lors des activations.

Depuis sa mise en service, plusieurs observations peuvent être faites :

  • Pas d’évolution du nombre d’accidents et ceux-ci ne sont pas liés à la voie de covoiturage ;
  • Respect de la limitation de vitesse à 50 km/h faible (83 % d’excès de vitesse) ;
  • Un temps de parcours plus faible (jusqu’à 1 min sur un temps de trajet de 5 min pour les 8 km et un différentiel de vitesse faible entre la voie de gauche et la voie du milieu de 10 km/h)
  • Une augmentation du taux de covoiturage qui est passé de 15 % en 2017 à 22 % en 2022 ;
  • Un respect de l’usage faible qui peut remettre en question la pertinence de la signalisation.
  • Une activation moins fréquente due à un étalement de l’heure de pointe et par conséquent, une baisse de la congestion.

Le Groupe AREA/APRR étudie la possibilité de mettre en place deux mesures afin de crédibiliser le dispositif et d’optimiser son exploitation :

  • Relever la vitesse limite autorisée à 70 km/h en étudiant les mouvements d’entrecroisement et les différentiels de vitesse ;
  • Intégrer l’activation de la Vr2+ dans une régulation dynamique des vitesses, en modifiant la séquence d’activation de la signalisation en anticipant les paliers pour essayer de réduire la congestion.
     

La présentation :

Voies de covoiturage à Bordeaux :  Benoit Brunet, CD 33

Voie réservée sur la D936 - CD Gironde

Les voies de covoiturage à Bordeaux ont été mises en service en 2021-2022 sur la D936 sur la voie de droite pour un linéaire de 3,4 km/sens. Sur ces voies, une ligne de car express, cadencé au ¼ d’heure, peut circuler, dans les deux sens, avec un itinéraire fiabilisé et un temps de parcours réduit. La vitesse est limitée à 70km/h et 50km/h en approche des giratoires.

Un premier bilan permet de faire quelques observations :

  • Une voie de covoiturage de plus en plus utilisée et de plus en plus comprise. Le taux d’occupation des véhicules et le taux de fraude ne sont pas explicitement calculés car il n’y a pas à l’heure actuelle de capteur de covoiturage. Un projet d’installation d’un radar pédagogique sur la VR2+ couplé avec PMV est prévu avant la fin de l’année ;
  • Des V85 élevés avec une diminution des vitesses aux heures de pointes, notamment sur la voie classique ;
  • L’utilité de la voie de covoiturage est reconnue par les usagers et semble avoir rempli ses objectifs : les riverains ont le sentiment qu’il désengorge le trafic, qu’il fait gagner du temps et qu’il rend les trajets plus sûrs et calmes.

Pour la suite, l’effort de communication et de pédagogie doit être poursuivi. Un suivi du taux d’occupation et du taux de fraude doit être mis en place. 
 

La présentation :

Perspectives

L’usage et le contrôle sanction des voies de covoiturage

Voie de covoiturage à nantes - Cerema

Suite à plusieurs enquêtes usagers mettant en évidence une méconnaissance du panneau "losange", les gestionnaires notent une possible incompréhension des usagers et un risque de fraude qui en découle. L’augmentation du nombre de voies et le temps permettra de diffuser la connaissance de ces aménagements.

En outre, il semblerait que la compréhension d’un aménagement à l’autre est étroitement liée à l’exploitation retenue. Notamment les aménagements permanents ou temporaires avec signalisation dynamique apparaissent plus clairement signalés que les temporaires à horaires d’activation sur panonceau fixe. 

Il existe un intérêt à communiquer sur ces projets et leur signalisation, l’État n’a pas prévu d’action nationale, mais incite chaque territoire à communiquer (à l’échelle de son bassin de mobilité) sur son aménagement.

Une fraude importante des 2RM a été observée sur plusieurs projets. C’est notamment le cas à Nantes où ces usagers pouvaient circuler précédemment sur un large zebra afin d’éviter la congestion. Avec le projet qui a réutilisé le zébra, les 2RM se sont reportés sur la VR2+. On retrouve ici un phénomène déjà observé sur les VRTC (voies réservées pour les transports collectifs), où les 2RM utilisent la VR car la réduction des largeurs des voies dans le cadre du projet ne leur permet plus une circulation inter-file dans de bonnes conditions.

Les gestionnaires ont questionné la DMR (direction des mobilités routières du ministère de la transition écologique) sur son ambition pour le contrôle sanction des VR2+. La DMR a répondu que l’expérimentation de différents dispositifs était en cours mais qu’une solution entièrement autonome n’était pas imaginée à court terme. Compte tenu du volume potentiel de "faux positifs" remontés par les matériels, un traitement humain reste nécessaire dans la procédure. L’expérimentation en cours a pour but de simplifier et réduire le temps de traitement des infractions.


Les voies de covoiturage, outils de politique en faveur d’une mobilité décarbonée

Les représentants des collectivités locales, en plus de leur rôle de gestionnaire se sont exprimés sur leur vision des mobilités, en tant qu’AOM. Les VR2+ sont envisagées comme un élément de promotion d’une politique en faveur du covoiturage et doivent être accompagnées par un volet service (plateforme de mise en relation, financement…)

La question de l’échelle d’intervention a été abordée, avec notamment la cohérence avec loi SERM (LOI n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains), ou les difficultés d’intervention sur des périmètres qui peuvent aller au-delà des compétences de l’AOM.

Enfin, les concessionnaires autoroutiers présents ont conclu la journée en réaffirmant leur intérêt pour aménager des VR2+ sur leurs réseaux. Ils estiment que cela peut permettre d’exploiter tout le potentiel des autoroutes dans les politiques de mobilités partagées, et que cela correspond à une attente de leurs clients. 
 

Dans le dossier Covoiturage : le dossier du Cerema

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