29 avril 2024
Rue de quartier pavillonnaire avec un lampadaire
Cerema
De plus en plus de collectivités locales prennent l’initiative d’éteindre l’éclairage public pendant une partie de la nuit.
Si cette pratique, motivée par des raisons multiples, peut paraître simple à mettre en œuvre il est cependant fortement souhaitable de s’appuyer sur une réflexion approfondie portant sur l’analyse des enjeux réglementaires et de sécurité.

Un bon nombre de petites villes et de villages ont connu autrefois des absences d’éclairage public. Aujourd’hui, les arguments ne manquent pas pour y revenir :

  • une préoccupation d’économie d’énergie et de développement durable ;
  • la recherche d’économies budgétaires ;
  • le respect de la biodiversité et de la qualité du ciel nocturne ;
  • des enjeux de santé (impacts physiologiques et psychologiques chez l’humain) ;
  • etc.

 

Les responsabilités des maires

Aucune réglementation n’impose que les rues des villes et villages soient éclairées, le maire n’a donc pas obligation de mettre en œuvre l'éclairage public. Toutefois, lorsqu’un éclairage est réalisé, la collectivité est tenue de l’entretenir et de respecter les règles relatives à l’accessibilité.

S’il n’existe pas de droit au maintien de l’éclairage public, il ressort que des collectivités ont vu leur responsabilité engagée pour des accidents survenus de nuit à des usagers, alors qu’il existait un danger particulier qui méritait d’être signalé.

Le juge administratif examine, selon les différents cas, si l’absence ou l’insuffisance d’éclairage public constitue une carence de l’autorité de police à l’origine d’un dommage susceptible d’engager la responsabilité de la Commune.

 

Une réponse ministérielle à une question sur la responsabilité des maires suite à une interruption volontaire de l’éclairage public précise les points suivants :

  • C’est à la Commune de déterminer les lieux nécessitant d’être éclairés.
  • La question de l'éclairage public nécessite de concilier trois objectifs : la sécurité des usagers des voies, la limitation des nuisances lumineuses pour les riverains comme pour la biodiversité et, enfin, la nécessaire réduction des consommations d'énergie.
  • Chaque autorité administrative peut fixer des horaires d'extinction partielle ou totale des éclairages la nuit, dès lors que cette extinction est justifiée par les objectifs précités.
  • Toutefois, en cas de défaut d'éclairage ayant causé un accident, le juge recherche si, outre la responsabilité du gestionnaire de la voirie, des circonstances particulières témoignant d'une faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police sont susceptibles d'engager sa responsabilité.

Comment procéder ?

Afin de limiter les risques d’engagement de responsabilité, il est fortement souhaitable de réaliser une analyse précise et la mise œuvre de certaines précautions lorsque l’on souhaite réduire ou supprimer l’éclairage artificiel.

Des questions à se poser avant d’agir :

  • Sur quelles parties ou quelles rues de la commune ou de l’agglomération peut-on éteindre ?
  • Quelle est la période d’extinction la plus judicieuse ? 

 

Réaliser une étude d’opportunité

Il appartient au maire de rechercher un juste équilibre entre les objectifs d'économie d'énergie et de sécurité afin de déterminer les secteurs de la commune prioritaires en matière d'éclairage public au regard des circonstances locales.

 

Prendre un arrêté municipal

La prise d’un arrêté municipal édictant les modalités de mise en œuvre de l'extinction de l'éclairage public n’est pas obligatoire. Elle est cependant souhaitable et peut se révéler utile afin de mieux informer la population et de montrer, si nécessaire, que cette extinction relève d’un choix délibéré et argumenté et non d’une carence locale.


L’aménagement des sites à enjeux

Il est souhaitable de procéder à une analyse rigoureuse de l’ensemble de l’espace public voué à l’extinction de l’éclairage public. Les analyses des voies de circulation pourront prendre en considération :

  • les déports qui seront demandés aux véhicules par rapport à une trajectoire rectiligne ;
  • la présence d’obstacles sur la trajectoire rectiligne ;
  • la signalisation existante (type, rétroréflexion…) ;
  • l’état de la chaussée ;
  • etc…
     

Des actions d’information aux usagers

L’information et la sensibilisation des habitants aux enjeux de l’extinction temporaire de l’éclairage public est toujours souhaitable afin de prévenir les inquiétudes ou réticences éventuelles.

L’information des usagers en circulation peut se faire par l’implantation d’un panneau d’indication (C50) aux différentes entrées de la commune. Ce panneau précise l’amplitude horaire de l’extinction. Conformément à l’instruction interministérielle sur la signalisation routière, il ne peut pas être implanté sur le même support que le panneau EB10 d’entrée d’agglomération, mais doit l’être quelques mètres plus loin.  

   

La réalisation d’un suivi – évaluation

Le suivi et l’évaluation d’une mesure d’extinction partielle ou générale de l’éclairage public est important :

  • détection d’éventuels problèmes ou dysfonctionnements ;
  • accidents matériels et/ou corporels ;
  • évolution des vitesses pratiquées ;
  • bilan financier.

Il permet en effet de réagir sans attendre aux éventuels dysfonctionnements générés et de tirer un bilan de la politique suivie.

 

Des points de vigilance :

L’éclairage public offre un meilleur confort visuel aux usagers de la voirie, par exemple en aidant les piétons à se repérer ou en réduisant l’éblouissement dû aux phares des véhicules antagonistes. Il contribue également à une meilleure anticipation des évènements potentiels tels qu’une traversée de piéton ou la circulation de cycliste grâce à la perception améliorée des abords de la chaussée qu’il procure.

 

Les piétons

Il est nécessaire d’étudier les cheminements piétons et des traversées concernées par l’extinction de l’éclairage public, en s’assurant du respect des règles d’accessibilité.
Un cheminement ou une traversée piétonne présentant des défauts d’accessibilité peuvent créer des risques d’insécurité routière pour les piétons se déplaçant la nuit sans éclairage.

 

Le stationnement

Il convient d’offrir une bonne visibilité des zones de stationnements aménagées lorsque l’éclairage est éteint. Ceci est particulièrement important pour les deux-roues motorisés, les vélos ou les engins de déplacement personnel motorisés (EDPM), car leur éclairage est, en général, moins performant que celui des voitures et les caractéristiques de ces véhicules rendent leurs usagers vulnérables (dynamiques des 2 roues, absence de carrosserie).

 

stationnement sur chaussée

Cas du stationnement sur chaussée

Dans le cas ou le stationnement des véhicules motorisés s’effectue directement sur la chaussée sans identification particulière de la neutralisation d’une voie de circulation, le code de la route impose que les véhicules motorisés à l’arrêt ou en stationnement sur la chaussée soient signalés ou éclairés en l’absence d’éclairage de la chaussée. (Articles R.416-12 à R.416-16).

Il semble peu probable que les véhicules stationnés dans cette configuration aient les feux de stationnement allumés pendant toute la période nocturne.

Dans le cas de présence de stationnement sur chaussée, trois choix sont possibles :

  • ne pas éteindre l’éclairage public dans les rues présentant du stationnement nocturne sur chaussée (ce choix pouvant aller à l’encontre d’une hiérarchisation du réseau éclairé car de petites rues risquent d’être éclairées alors que des rues plus importantes supportant du stationnement aménagé seront éteintes) ;
  • interdire le stationnement dans les rues non aménagées en accompagnant cette mesure de contrôles en période nocturne, mesure ne pouvant être mise en place de manière efficace qu’à la condition d’être adaptée et acceptée par les riverains ;
  • matérialiser les places de stationnement pour que ce dernier ne soit plus considéré comme du stationnement sur chaussée.

Les conducteurs

Il est souhaitable que les conducteurs puissent voir les panneaux et marques sur la chaussée de tout temps, et notamment la nuit lorsque l’éclairage public est éteint.

Il est recommandé, en l’absence d’éclairage public de voirie :

  • de n’utiliser que du marquage routier rétroréfléchissant ;
  • de choisir pour tous les panneaux de signalisation, des signaux recouverts de films rétroréfléchissants de classe 2 minimum (la classe 3 qui garantit un niveau de visibilité plus élevé et plus durable dans le temps peut également être choisie).

Il est également souhaitable que les conducteurs puissent détecter les différents éléments présents sur la trajectoire de leur véhicule comme les dispositifs modérateurs de vitesse, les îlots et bordures ainsi que les éléments divers proches de la chaussée.

 

Ambiances lumineuses adjacentes

La présence de publicités ou de vitrines très lumineuses dans un milieu non éclairé peut conduire à l’éblouissement momentané des usagers, préjudiciable à la sécurité. Il conviendra de rechercher une implication de tous les acteurs concernés lors de la mise en œuvre de la décision d’extinction.

De même, lorsque la rue se situe dans un milieu ambiant fortement éclairé, tel qu’une zone d’activités ou commerciale, le choix de l’extinction de l’éclairage public devra être pesé avec prudence.

 

Rendre visible :

Au niveau local, il est souhaitable d’accompagner une extinction de l’éclairage public d’une campagne de communication auprès des usagers des modes actifs, portant sur les bonnes pratiques à adopter :

  • porter à la connaissance des piétons, l’information sur la temporalité de l’extinction de l’éclairage nocturne (lieux pouvant supporter des activités nocturnes, lieux touristiques…) ;
  • en zone touristique, il y aura tout intérêt à porter à connaissance des cyclistes en résidence que l’éclairage est interrompu la nuit, afin de ne pas les piéger et qu’ils puissent anticiper en prenant les bons équipements en amont de leur déplacement.

Des techniques alternatives à l’éclairage public peuvent être mises en œuvre afin de rendre perceptibles les obstacles et lisibles les trajectoires telles que les dispositifs réfléchissants ou catadioptres. Économes en énergie et non lumineuses, ces solutions reposent sur l’éclairage des véhicules en circulation.

 

Le rapport d'étude sur CeremaDoc :