29 octobre 2019
expérimentations et innovations pour un meilleur partage de la voirie
Manuel Bouquet _Terra
Le 17 octobre 2019, le Cerema Île-de-France a organisé à Paris une journée technique Une Voirie pour Tous consacrée aux innovations et aux expérimentations pour améliorer le partage de l’espace public. Au programme : partages d’expériences, présentations de projets expérimentaux et de produits innovants.

Les projets innovants en faveur des modes actifs

À pied ou à vélo, la seule énergie consommée est celle de l’usager ! Pas un gramme de carburant dépensé et aucun polluant émis. Idéal aussi pour se maintenir en forme et en bonne santé.

Aussi, développer les modes actifs sur le territoire est élémentaire ; c’est pourquoi la loi d’orientation sur les mobilités, adopté récemment par l’Assemblée Nationale, a permis de mettre en avant des modes de déplacement plus vertueux et donner des outils pour les favoriser en donnant toute sa place à l’expérimentation et à l’innovation.

En introduction, les évolutions apportées par la loi d'orientation des mobilités en matière de modes actifs ont été présentées (véloroutes, itinéraires cyclables, évaluation des besoins en termes d'itinéraires cyclables, stationnement à plus de 5 m des passages piétons, définition de l'engin de déplacement personnel et limitations de circulation...).

 

Quatre expérimentations ont été présentées durant cette matinée :

 

Expérimentations autour des feux de signalisation

Vue du passage où est installé le capteur et du positionnement des piétons
Passage piéton où a été menée l'expérimentation à Metz.

Mathieu Lafont, chargé d’études Innovation en transports et systèmes au Cerema Île-de-France, a présenté un capteur thermique innovant qui vise à adapter le temps de vert "piétons" au nombre d’usagers en attente de traverser.

Ce dispositif, expérimenté à Metz Métropole, a été installé sur un passage piéton présentant des enjeux forts du fait de la présence d’un axe à forte circulation automobile et de flux piétons importants, notamment scolaires (l’école et le gymnase étant séparés par la route). Jusqu’alors, la traversée se faisait en deux temps, ne laissant pas toujours le temps aux classes de traverser sur le temps de vert piétons.

Le capteur permet aujourd’hui de détecter la masse de piétons et d’adapter en temps réel le temps de vert au profit d’une traversée sécurisée en une fois. 

Les tests statistiques réalisés ont montré que le dispositif a amélioré les conditions de traversée des piétons, surtout lorsque les flux piétons sont importants et irréguliers.

 

Les mathématiques au service de la mobilité

Jonathan Couppe, chef de projet sur les trottinettes à la Ville de Paris et Quentin Barenne, co-fondateur de Wintics, ont démontré l’intérêt d’une approche algorithmique et data-driven pour identifier les sites appropriés pour créer du stationnement pour les trottinettes.

En prenant en compte les spécificités de l’espace public parisien, les données réelles de stationnement des EDP (engins de déplacement personnels) en free-floating et la capacité de connaître en direct les impacts sur les emplacements proposés, le duo start-up / Ville de Paris a pu détecter les emplacements pour créer une offre de stationnement adaptée à la stratégie parisienne de régulation. Cet algorithme pourra par la suite servir à réguler le stationnement d’autres modes de déplacement (vélo, autopartage, etc.).

 

Les passages piétons lumineux au service de la sécurité

passage piétonsFrédéric Fabre, directeur du département Mobilité au Cerema Île-de-France a exposé le panel d’expérimentations lié à l’apport des systèmes lumineux au niveau passages piétons. Différents systèmes sont expérimentés dans le monde entier (Japon, Espagne, Israël, Allemagne, Angleterre, etc.), dont deux en France.

Ces nouveaux passages piétons lumineux au service de la mobilité font actuellement l’objet d’une expérimentation, à Mandelieu-La Napoule, avec des dalles lumineuses à la place des bandes de peinture, ainsi qu'à Sartrouville avec des potelets lumineux qui bordent le passage piéton avec un faisceau de lumière bleue.

Les retours d’expérience ne sont pas encore suffisants pour montrer les forces et les faiblesses de ces dispositifs qui présentent un intérêt à suivre en termes de sécurité routière. Ils permettraient en effet, d'une part, d'améliorer la visibilité du passage piétons pour les conducteurs sur la route, et d'autre part, une meilleure perception du passage piétons par les piétons eux-mêmes.

Frédéric Fabre a également abordé la procédure d'expérimentation pour pouvoir mettre le dispositif innovants en application.

 

Des pistes cyclables auto-lumineuses pour mieux se repérer la nuit

Amandine Terreux, chargée d’affaires chez Colas, a présenté l'expérimentation de piste cyclable auto-lumineuse financée par l’Etablissement Public d'Aménagement Paris-Saclay et la Banque des Territoires dans le cadre de l’appel à projet "Ville de demain".

Le revêtement aménagé produit un effet esthétique de scintillement ou de phosphorescence obtenu par incrustation (cloutage) de granulats synthétiques phosphorescents lors de l’épandage de l’enrobé. La mise en place de ce granulat permet aux piétons et cyclistes de mieux se diriger sur des chemins sans éclairage public, et de limiter ainsi la pollution lumineuse. 

 

Innovons pour un meilleur partage de la voirie

L’espace public est un lieu de vie, de lien social, un espace de passage et de rassemblement où se rencontrent tous les modes de déplacement, actifs et motorisés. Pour construire la ville de demain, il est important que l’aménagement et les services soient adaptés et accessibles à tous.

C’est pourquoi de nombreuses initiatives et innovations sont mises en œuvre chaque année dans les collectivités territoriales pour améliorer les déplacements du quotidien et faire de la rue un espace vivant et humain approprié par et pour tous.

 

Deux projets innovants ont été présentés pour amorcer la table ronde de l’après-midi :

 

Expérimenter des espaces publics plus confortables

place de Montreauil réaménagée avec des gens en train de pique niquer
Place réaménagée à Montreuil - Ville de Montreauil

Medy Sejai, directeur de l’espace public et de la mobilité à la Ville de Montreuil a présenté une démarche mise en œuvre à Montreuil pour créer des espaces publics plus confortables, moins routiers et plus urbains. Depuis quelques années, pour transformer l’espace public et conférer une légitimité à l’aménagement qui fait souvent débat, les services de la Ville de Montreuil passent par une étape de concertation publique, puis d’expérimentation participative pendant plusieurs mois avant de réaliser l’aménagement définitif.

Ce processus d’urbanisme transitoire, s’il suppose une implication forte en moyens humains et un surcoût lié à l’expérimentation, permet par contre d’améliorer la conception de l’aménagement et de faire accepter des solutions parfois polémiques.

Medy Sejai a présenté plusieurs projets:

  • Réaménagement d'une rue étroite à sens unique avec un côté de stationnement, pour fluidifier les trajets cyclistes et piétons.
  • Transformation d'un carrefour central et d'un parking en place piétonne et un lieu de vie, à travers un processus expérimental participatif. Suite à cela, la place a été totalement réaménagée.
  • Transformation d'un carrefour routier en place urbaine.
  • Requalification d'une autoroute en boulevard, avec une démarche expérimentale de réappropriation de cet espace par les habitants avant de lancer les travaux.


Gestion des eaux de pluie et environnement urbain

le trottoir avec des feuilles lumineuses de nuit: trottoir noir, avec les feuilles vertes qui ressortent
Vue des feuilles luminescentes de Cemex

Nora Laïchour, chargée de prescription et promotion chez CEMEX et Nicolas-Yves Henry, directeur technique de la Ville de l’Haÿ-les-Roses ont présenté une expérimentation lauréate de l’appel à projets de la Société du Grand Paris "mobilier urbain et sécurité sur les places du Grand Paris".

Sur le chemin d’une école à L’Haÿ-les-Roses, un revêtement béton perméable a été installé par le cimentier-bétonnier CEMEX dans le cadre de l'expérimentation. 500 points représentant des feuilles vertes sur la chaussée, constitués de granulats luminescents, ont été incrustés dans le sol pour diriger les piétons ; la nuit tombée, la lumière emmagasinée par les granulats est restituée et offre un tracé lumineux et gratuit énergétiquement.

Par ailleurs, le revêtement est doté d’une autre particularité, il est perméable et permet à l’eau de s’infiltrer directement dans le sol, après être passée par un géotextile dépolluant. Ce béton perméable est prévu pour les cheminements piétons et places de parking ; il existe aussi une formule pour la chaussée, selon le type de trafics.

Les piétons se sont montrés satisfaits de ce nouveau revêtement, jugé généralement esthétique et confortable. Seulement la moitié ont remarqué qu'il s'agit d'un revêtement en béton. Quant à l'entretien, il s'avère identique aux autres revêtements en place.

 

Table ronde : quel espace public pour demain ?

Autour de la table, 3 spécialistes de la mobilité ont joué le jeu du débat sur le thème suivant : « Quels espaces publics pour demain, à horizon 2025, voire 2030 ? ». Christophe Najdovski, adjoint à la maire de Paris en charge des transports, des déplacements, de la voirie et de l’espace public, Philippe Arnould, chargé de projets espaces publics au Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et Hervé Dupont, architecte-urbaniste retraité et membre de l’association 60 millions de piétons ont pu échanger et débattre de leur vision d’élu, de technicien et d’associatif sur les problématiques actuelles et futures à gérer ainsi que sur les solutions.

Trois approches quelques fois dissonantes mais souvent en accord. Des questions restent toutefois en suspens autour de ces innovations et expérimentations. Elles améliorent le quotidien des usagers de l’espace public à condition de prendre en compte tous les usagers.

Quelles que soient les solutions techniques proposées, le comportement individuel reste l’élément primordial pour mieux vivre l’espace public. Comment mieux traiter le facteur humain dans l’espace public ? Telle était la question qui a clôturé cette journée technique Une Voirie pour Tous.